Les
AGGRESSIVE AGRICULTOR viennent de Bayonne.
Pile
20 ans après le premier album "Eructation Agronomic"
(Motocultor Prod./Le silence de la rue. 1991) et 15 ans après
le troisième et dernier album en date "Adieu toi je t'aimais
bien..." (Motocultor Prod./Le silence de la rue. 1995), voici le
grand retour du fameux groupe du sud-ouest, en 2011 donc, avec un 14
titres punk-rural-bourrin en français intitulé "Pig's
not dead" ! Entre temps la compilation "Les années
vaches folles" (Phaco records. 2006) avait permis au plus jeunes
punk-rockers de toute la France de se régaler des classiques
du groupes. Mass prod participe à l'aventure dès 2011
pour "Pig's not dead" (c'est d'ailleurs notre pote de Rennes
Denzzz qui dessina la pochette du CD), puis pour "Consanguinité"
(sorti en 33T et CD), pour l'album "2016" ensuite (sorti en
CD, euh....... me rappelle plus en quelques années !). Et le
bordel continue puisqu'en 2020 sort "Eructation Agronomic"
en 33T, quasi 30 ans après son enregistrement, et en vinyl rouge
comme il se doit pour un groupe de la région Bordelaise, qui
a d'ailleurs sorti un cru spécial !
Titre
à écouter - Site
officiel
Chronique
de Lionel pour le fanzine 442ème Rue :
AGGRESSIVE
AGRICULTOR : Pig's not dead (CD, Mass Productions/Tomahawk Prod)
Ca
y est, ils ont réussi à réparer la moiss-batt et
à redémarrer le Massey Ferguson. Du coup revoilà
nos Aggressive Agricultor par monts, par vaux et par champs. On était
inquiets, on voyait la friche gagner du terrain, on croyait qu'on allait
bientôt succomber sous l'avancée des ronces et de la luzerne
sauvage, on pouvait même apercevoir, si si, des lapins batifoler
à la lisière de la ville, vous imaginez le traumatisme.
Mais bon, ouf, les Aggressive Agricultor vont enfin remettre de l'ordre
dans tout ce bordel agraire. On va enfin revoir ces beaux sillons bien
rectilignes, ces belles vaches bien grasses nous regarder passer benoîtement,
ces tracteurs rutilants parcourir inlassablement la prairie. C'était
quand la dernière fois ? 95 ? Non, déjà ? Oui,
c'est comme je vous le dis. Une demi-décennie à nous vanter
les mérites de la vie à la campagne, à nous bichonner
veaux, vaches, cochons, couvées, à nous fournir en produits
frais, à sortir la gnole pour fêter ça (même
si on n'a jamais vraiment su ce qu'on fêtait, la gnole était
raide ça nous suffisait). Ouich, 3 albums entre 91 et 95, et
pis plus rien. On a eu peur, on a cru qu'ils avaient été,
eux aussi, victimes de l'exode rural, que si ça se trouvait ils
étaient devenus fraiseurs-tourneurs, balayeurs, manoeuvres ou
chômeurs, que jamais plus on n'aurait notre lait crémeux
le dimanche matin. Mais tout ça n'est plus qu'un mauvais rêve,
les Aggressive Agricultor are not dead, they are même back et
bien back, crénom ! Et ils n'ont rien perdu de leurs valeurs
rustiques, c'est toujours du bon vieux punk bien de chez nous, pétri
à la main, garanti sans nitrates ni pesticides, cultivé
avec amour et nourri au grain. Voui, du punk label rouge, AOC et tout
le toutim. On aime son métier ou on le quitte. Aggressive Agricultor
ne sont pas partis. Bon, et sinon, à part çà ?
Toujours le couteau entre les dents ? Toujours la fourche brandie ?
Toujours la barre de coupe gouailleuse ? Oui ? Ah ben c'est cool alors.
On pourrait peut-être faire péter la prune pour marquer
le coup ? Parce que bon, du punk bien dans la tradition comme ça,
on n'en trouve plus beaucoup de nos jours, c'est plutôt de l'élevé
en batterie, de l'engraissé aux hormones de croissance, du poussé
sous serre, alors forcément, quand on peut mettre la main sur
du naturel, on n'hésite pas trop. Tiens, et pis j'ai vu que vous
aviez ressorti du vintage, de l'ancien, de l'aïeul, que vous avez
fait prendre l'air à ces vieux briscards de La Polla Records
("Txus"), c'est bien les commémorations, ça
permet de ne pas oublier. Vous m'en mettrez 2-3 douzaines, j'ai de la
famille de la ville qui débarque.
A
partir de 2011, le groupe s'équipe d'un batteur et se trouve
obligé d'avor une voiture 5 places pour partir en concerts.
En
2013 ils enregistrent "Consanguinité" qui devait sortir
uniquement en vinyl 33T, mais comme Mass Prod les harcelaient ils acceptèrent
de le sortir aussi en CD.
D'ailleurs
voici une chronique du disque de Lionel pour son fanzine 442ème
Rue n°107:
AGGRESSIVE
AGRICULTOR : Consanguinité (33T puis CD, Motocultor Prod / Mass
Prod)
Bah non, y a pas que dans les banlieues sordides ni autour des friches
industrielles qu'on a la rage et qu'on pratique le punk vindicatif.
Au milieu des champs aussi on peut être énervé,
et pas seulement quand le Massey-Ferguson refuse de démarrer
ou que la Noiraude a des états d'âme. Prenez Aggressive
Agricultor. Z'ont pas dû voir un bout de bitume depuis leur dernière
virée à la foire aux bestiaux voisine, ça ne les
empêche pas de vouloir balancer du pavé comme tout le monde,
même si c'est sur le garde-champêtre plutôt que sur
une compagnie de CRS. Le symbole est le même, le résultat
aussi, bien qu'à moindre échelle, et bien que ça
ait moins de chance de faire l'ouverture du 20 heures de TF1. On ne
peut pas tout avoir. Mine de rien, Aggressive Agricultor a quand même
poussé son premier cri voilà pas loin de 30 ans. On ne
dirait pas comme ça, tant nos jeunes amis ont l'air fringant,
l'oeil malicieux et le bronzage juvénil. Ca doit être le
grand air, ça entretient la forme. C'est tout au bout du bout
de l'hexagone, dans le coin sud-ouest le plus reculé, du côté
du six-quatre (traduction : les Pyrénées-Atlantiques,
pour les cancres en géo), qu'Aggressive Agricultor décide
de concilier labourage, pâturage et guitares électriques,
tendance bio pour les deux premiers axiomes, tendance métal-punk
pour le troisième (ils ont essayé l'inverse, mais ça
ne le faisait pas, on se demande bien pourquoi, une guitare électrique,
si ça tourne à l'éolien, c'est bio, non ?). Presque
3 décennies plus tard, marquées par les changements de
personnel syndicaux, de longues vacances (presque 10 ans quand même,
de 1996 à 2004, s'emmerdent pas) et 4 albums de pounk rural,
rustique et ruminant, Aggressive Agricultor remet la charrue derrière
le tracteur (pas cons, ils savent comment ça marche, eux, pas
comme nous, stupides citadins qui avons tendance à mettre le
soc avant les taurillons, en même temps, je sais pas vous, mais
moi, j'ai jamais vu une charrue de près, un taurillon, si, mais
c'est une aventure qui serait trop longue à raconter, et comme
je suis sûr que vous vous en branlez comme de votre premier bidon
de lait...). Où j'en étais déjà ? Ah oui,
la charrue derrière le tracteur. En fait, fallait comprendre
un nouvel album dans les bacs, j'ai voulu litoter comme un vulgaire
BHL, histoire de faire croire que j'ai des lettres, mais je sens bien
que vous fûtes peu réceptifs à mon petit effet épistolaire.
Un nouvel album qui reprend les choses là où Aggressive
Agricultor les avait laissées en 2011 avec le précédent,
"Pigs not dead", à savoir un punk trapu, pas frelaté
pour un fi frelin, élevé au gros rouge qui tache et au
fromage bien fait, traité au purin naturel. Un punk en prise
directe avec le quotidien d'une société dont on ne connaît
fi nalement pas grand-chose, enfermés dans nos tours de béton,
avec comme unique préoccupation de savoir si le supermarché
voisin est encore ouvert, vu qu'on a oublié le sel pour aller
avec les pâtes. Avec Aggressive Agricultor, on en apprend beaucoup
sur les petits bonheurs de la ruralité, comme la consanguinité
(un risque qu'on ne connaît pas dans les cités avec les
tournantes), la traque de la miche de pain, la traite du taureau (Hein
? Quoi ? Comment ? On me susurre dans l'oreillette que c'est pas le
taureau qu'on trait, mais la vache, comment voulez-vous que je le sache
? Hein ? Quoi ? Comment ? Si on trait un taureau ça s'appelle
une branlette ? Ah oui, ça me revient, le taureau c'est celui
qui a une grosse paire de balloches qui pendouillent, sacrés
rognons, faut avouer), les OGM (en même temps, une fois que c'est
dans la boîte de conserve, allez savoir si c'est du maïs
bio ou du modifi é à coups de seringue, c'est sûrement
pas au géant vert de l'étiquette qu'on ira le demander),
la joie d'acheter un tracteur neuf (c'est sûr, ça doit
être autre chose que la dernière Audi), ou la fébrilité
du prochain voyage à la ville (nous, c'est la crainte du prochain
voyage à la campagne, et de ne plus sentir la fermeté
sécuritaire du goudron sous nos petons délicats). Ils
nous dressent aussi quelques portraits touchants de gens du crû,
comme "Léon le gros porc" (sur l'air d'"Aglaé
et Sidonie", ça je connais, je regardais à la télé),
"Marcel" ou "René le roi du métal"
(où l'on apprend que même les campagnes les plus reculées
sont également touchées par la grâce du hard-rock,
ouf, on a eu peur). Tout ça m'a donné envie de m'oxygéner,
m'en vais aller faire un petit footing dans le terrain vague derrière
chez moi, en essayant d'éviter les vieux pneus et les fl aques
d'huile de vidange. Nous aussi on a nos petits coins de verdure, non
mais.